Des millions de personnes à travers le monde ne peuvent se permettre une alimentation saine alors que nous produisons suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir tous les habitants de la planète. Aider les citoyens en situation de précarité tout en luttant contre le gaspillage alimentaire est donc une façon judicieuse de promouvoir l’accès de tous à l’alimentation. Et c’est précisément ce que fait SpesaSospesa, le grand gagnant du Prix de la Fondation Louis Bonduelle. Entretien avec son fondateur, Davide Devenuto.

QUI EST DAVIDE DEVENUTO ?

Davide Devenuto est un célèbre acteur italien, la star d’une série télévisée de son pays, depuis plus de 15 ans déjà. Mais c’est aussi un homme qui s’est donné une mission : faciliter les dons pour aider les personnes et les familles en situation de précarité en récupérant des excédents, ce qui permet de lutter aussi contre le gaspillage alimentaire. Davide Devenuto (D.D) est à l’origine du projet sans but lucratif SpesaSospesa, lauréat de l’édition 2022 du Prix de la Fondation Louis Bonduelle.

Passionné par ce projet auquel il consacre beaucoup de son temps, D.D entend aider des personnes en situation de précarité tout en luttant contre le gaspillage alimentaire, notamment grâce à une technologie innovante.

Comment décririez-vous le projet SpesaSospesa?

D.D. SpesaSospesa.org est un projet lancé par l’association sans but lucratif Lab00 afin de venir en aide aux familles les plus vulnérables en mettant la solidarité et la technologie au service de la lutte contre les déchets et le gaspillage alimentaire
Les entreprises alimentaires et non alimentaires sont invitées à faire don de leurs excédents ainsi que de produits arrivant à expiration ou à les vendre à prix réduits. Les organisations à but non lucratif, associations diverses et bénévoles se chargent, pour leur part, de la collecte des produits de première nécessité qu’ils vont ensuite redistribuer aux familles en situation de précarité.

Quels types d’aliments font l’objet de dons et pourquoi ?

Le principe du projet est très simple. Nous avons d’abord commencé par récolter des fonds et des dons, d’une part, et par rassembler des surplus et aliments bientôt périmés, d’autre part. Tout cela se faisait déjà, mais la nouveauté, c’est que nous avons intégré des éléments d’innovation et des technologies dans le processus.
Les entreprises peuvent donner ou vendre leurs excédents sur la plateforme, à un prix inférieur à celui du marché. Sur la base d’une analyse des besoins des communautés que nous soutenons, nous pouvons ainsi utiliser de manière responsable ces dons de vivres et, si nécessaire, les compléter par des achats de produits alimentaires, de façon à aider un plus grand nombre de personnes. De leur côté, les entreprises participantes disposent d’un deuxième marché, durable, pour écouler leurs produits.

Le gaspillage alimentaire en chiffres

Le projet utilise la blockchain pour gérer les dons. Comment fonctionne cette technologie innovante ?

D.D. Grâce à la technologie de la blockchain, la plateforme numérique Regusto assure la gestion transactionnelle des dons, des produits de base et des services, d’une manière parfaitement transparente, grâce à la numérisation et à la traçabilité des flux et des transactions.
La technologie de la blockchain intégrée dans la plateforme permet d’enregistrer toutes les transactions, tous les mouvements ainsi que la destination de tous les produits. C’est là un plus pour les entreprises, les organisations à but non lucratif ou encore les administrations publiques qui peuvent ainsi suivre l’impact généré et programmer des politiques sociales et environnementales tenant compte des spécificités locales.

Parlez-nous de l’équipe SpesaSospesa

D.D. L’équipe de base de SpesaSospesa.org se compose de 6 personnes. Nous collaborons également avec des spécialistes de divers secteurs pour garantir une gestion parfaitement professionnelle de tous les processus. Aujourd’hui, nous sommes actifs dans 26 communes et coopérons avec différentes associations locales. Plus de 400 entreprises nous font dons de produits alimentaires ou nous vendent leurs excédents, par le biais de la plateforme. Enfin, une vingtaine d’entreprises soutiennent notre projet, de différentes façons – financièrement, via les médias, via l’offre de services ou la mise à disposition d’outils, ou encore en collaborant avec nous de diverses façons.

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés lors du développement de ce projet ?

D.D. Le plus difficile, ce fut de développer ce projet en pleine pandémie de COVID-19. Ne pas pouvoir être physiquement présents au moment de tout mettre en place a été difficile, mais cela nous a fait aussi prendre conscience de l’importance que nous attachions à cette initiative, de notre volonté d’en faire un succès. Deux ans plus tard, quand je vois nos résultats et le formidable réseau que nous sommes parvenus à mettre sur pied pour soutenir le projet, je me dis que oui, nous avons réussi. Mais bien sûr, nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin.

Pourquoi avez-vous eu envie de concourir au Prix de la Fondation Louis Bonduelle ?

D.D. En présentant le projet SpesaSospesa au Prix de la Fondation Louis Bonduelle, nous voulions avant tout hisser l’initiative à un niveau européen et international. Ce fut aussi une excellente occasion de donner de la visibilité à notre priorité : lutter contre le gaspillage alimentaire et les problèmes d’accès à l’alimentation.

Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir décroché le Prix de la Fondation Louis Bonduelle ?

D.D. Le Prix de la Fondation Louis Bonduelle représente pour moi et pour toute l’équipe
la confirmation que tout l’engagement, toute la passion et toute l’attention apportée à ce projet ont été reconnus à juste titre. Nous sommes fiers de cette distinction et de l’occasion qui nous a ainsi été donnée de faire connaître notre projet au-delà des frontières, dans un contexte prestigieux compte tenu de notre secteur. Nous espérons aussi servir d’exemple à d’autres personnes et associations qui souhaitent servir leurs communautés.

Le développement durable : comment agir au quotidien ?

Comment allez-vous mettre à profit le prix obtenu de la Fondation ?

D.D. Nous avons déjà commencé à étendre le projet SpesaSospesa.org en élargissant le réseau de collaborations entre les entreprises, les organisations sans but lucratif et les communautés. L’idée est d’augmenter le nombre de personnes et de familles bénéficiaires, en limitant encore plus l’impact environnemental de l’élimination des invendus, tout en luttant contre le gaspillage.

Quels objectifs aimeriez-vous avoir atteints dans 5 ans grâce à ce projet ?

D.D. Grâce aux succès engrangés par le projet SpesaSospesa.org, nous avons pu lancer en novembre 2021 un projet de soutien et d’assistance médicale pour les femmes et les enfants confrontés à des difficultés économiques et sociales. En collaborant avec les structures nationales de soins de santé et par le biais de campagnes de collecte de fonds, nous sommes en train de répliquer le modèle de SpesaSospesa.org dans le domaine de la santé. Le nouveau projet, baptisé TempoSospeso.org entend offrir aux autres ce que nous avons de plus précieux : un peu de notre temps.

Qu’aimeriez-vous dire, quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent lancer un projet axé sur la transition alimentaire ou l’accès de tous à l’alimentation ?

D.D. SpesaSospesa a pour mission de venir en aide aux personnes en difficulté en récoltant des produits alimentaires sur le point de passer à la poubelle. C’est là une façon différente, innovante et durable, de voir le monde et de planifier l’économie. J’estime que toute action qui va dans ce sens, aussi petite soit-elle, est précieuse sur le plan social et culturel.
Une de mes plus grandes satisfactions depuis le début de cette aventure, c’est d’avoir eu la chance de rencontrer de nombreuses personnes qui partagent cette même vision de l’avenir et qui ont choisi de nous aider et de coopérer avec nous. Rien n’aurait été possible sans cette passion, cet enthousiasme, cette incroyable motivation, une réelle capacité à écouter et à apprendre, à changer les choses progressivement, à nouer des collaborations stratégiques et surtout sans un réel et solide désir d’entraide.