Pourquoi 2021 est-elle l’année des fruits et des légumes ?

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L’Année internationale des fruits et des légumes (AIFL) est la première en son genre. Elle vise à attirer l’attention sur des aliments bien connus pour leurs bénéfices pour la santé, et pourtant encore trop peu consommés. Nous avons demandé à Rosa Rolle et Dirk Schulz, deux des principaux contributeurs de la FAO à la note d’information sur l’événement, pourquoi l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé cet important événement annuel, et pourquoi maintenant.

Rosa-Rolle

Rosa Rolle

Responsable principale du développement des entreprises, Chef d’équipe, Pertes et gaspillage alimentaires, Division de l’alimentation et de la nutrition (ESN), FAO

Dirk-Schulz

Dirk Schulz 

Spécialiste de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments, Division des systèmes alimentaires et de la sécurité sanitaire des aliments, FAO 

L’Année internationale des fruits et des légumes 2021 (AIFL) entend sensibiliser le public, attirer l’attention des décideurs et faciliter la mise en commun de bonnes pratiques sur les bienfaits de la consommation de fruits et de légumes pour la santé et la nutrition. Pour y parvenir, la FAO a rédigé une note d’information. En plus de donner un aperçu des effets bénéfiques de la consommation de fruits et de légumes, ce document propose une analyse des différents aspects du secteur des fruits et des légumes sous l’angle d’une approche axée sur les systèmes alimentaires, allant de la production et du commerce durables de ces aliments à la gestion des pertes et du gaspillage. Des fruits et légumes durables ? Apprenons-en plus avec Rosa et Dirk !

Pourquoi était-il important d’attirer l’attention sur les fruits et les légumes en 2021 ?

 

Nous savons que les fruits et les légumes sont extraordinairement riches en vitamines, minéraux et fibres alimentaires, et qu’ils contiennent de nombreux composés phytochimiques bénéfiques comme les antioxydants, par exemple. Pourtant, à l’heure actuelle, leur consommation reste en-deçà des niveaux attendus. La FAO et l’Organisation mondiale de la santé recommandent que les adultes consomment au moins 400 grammes de fruits et de légumes par jour pour contribuer à la prévention des maladies chroniques, comme le cancer, le diabète, les maladies cardiovasculaires et l’obésité, et pour lutter contre les carences en micronutriments. Aujourd’hui, la consommation de fruits et de légumes dans le monde est inférieure à ces apports journaliers recommandés, et l’on observe d’importants écarts entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci au niveau des quantités consommées. En 2017, la région asiatique était la seule à avoir enregistré la disponibilité de quantités suffisantes de fruits et légumes (470 g/habitant/jour) pour atteindre le niveau de consommation recommandé, ce qui ne signifie pas forcément que tous ses habitants consomment les quantités recommandées. Il est également important d’assurer la sécurité alimentaire et de réduire les niveaux élevés de perte et de gaspillage des fruits et légumes qui ont également un impact sur l’efficacité des chaînes d’approvisionnement.

Avez-vous observé une diminution générale de la consommation de fruits et de légumes dans certaines régions du monde ?

 

Les tendances générales observées à l’échelle mondiale mettent en évidence les faibles niveaux de consommation de fruits et légumes dans de nombreux pays en développement, avec des niveaux de consommation plus élevés dans les régions les plus développées. Des niveaux d’éducation plus élevés chez les consommateurs sont souvent associés positivement à la consommation de fruits et légumes. Dans de nombreux pays en développement, au plus les revenus augmentent, au plus on observe souvent une tendance à l’augmentation de la consommation de viande et, par la suite, à l’augmentation de la consommation de fruits et légumes chez les personnes les plus éduquées.

La qualité des fruits et des légumes est associée à des critères subjectifs dans l’esprit des consommateurs. Comment y remédier pour réduire le gaspillage alimentaire ?

 

La qualité des aliments fait référence aux attributs ou aux caractéristiques qui les rendent attractifs aux yeux des acheteurs ou des consommateurs. Sa perception a évolué au fil du temps. Dans le passé, elle reposait principalement sur l’absence de défauts, de fraude ou de frelatage. Aujourd’hui, comme des systèmes de contrôle des aliments sont en place dans la plupart des pays, les consommateurs se basent sur d’autres critères, comme l’apparence : taille, forme, couleur, propriétés sensorielles, valeur nutritionnelle, commodité, origine, etc. La qualité est devenue un peu plus subjective. Et comme les consommateurs à travers le monde ont différentes attentes selon leur culture, leur origine et leur environnement, leurs préférences varient, tout comme leur pouvoir d’achat. Le coût peut limiter leur accès à certains fruits et légumes, et se reflète toujours dans la qualité. Je pense que nous devrions nous mettre d’accord sur les éléments qui peuvent être considérés comme des « critères de qualité » pour les fruits et les légumes. De nombreux consommateurs, surtout dans les pays développés, en tendance à penser que la qualité des fruits est liée à leur apparence. S’ils n’ont pas la bonne taille, forme ou couleur, ils préfèrent les jeter ou ne pas les acheter, ce qui entraîne un important gaspillage. Pourtant, ces fruits et légumes « difformes » ont la même valeur nutritionnelle que les autres, et leur goût est identique. Bien sûr, il est possible de surmonter cet obstacle à travers l’éducation et la sensibilisation, en particulier en direction des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, et surtout des détaillants et des consommateurs. Il est ainsi possible d’éduquer les consommateurs ou de leur donner des idées et des recettes leur permettant d’utiliser les fruits trop mûrs d’une manière à laquelle ils n’avaient pas pensé, par exemple dans un jus, un smoothie ou un dessert, la texture n’ayant ici pas tellement d’importance.

Comment pouvons-nous produire plus mais aussi promouvoir un meilleur accès aux fruits et aux légumes ?

 

Selon « the FAO Flagship Publication », intitulée État de l’alimentation et de l’agriculture en 2019, qui met un accent particulier sur la perte et le gaspillage d’aliments, en moyenne, environ 25 % des fruits et légumes produits dans le monde sont perdus dans la chaîne d’approvisionnement entre la production et le marché.  En outre, les produits frais qui s’écartent de ce qui est considéré comme optimal en termes de forme, de taille et de couleur, sont souvent retirés de la chaîne d’approvisionnement, lors des opérations de tri. Il est donc clair qu’il faut faire les choses différemment.

Il s’agit de maximiser l’utilisation des fruits et légumes qui sont produits et de passer de l’état actuel des choses à des approches plus durables fondées sur les principes de l’économie circulaire. Nos chaînes d’approvisionnement actuelles de fruits et légumes sont linéaires et bon nombre des problèmes auxquels nous devons faire face aujourd’hui sont souvent le résultat direct du système de « prise, fabrication, utilisation et élimination » qui caractérise ces chaînes et qui entraîne des niveaux élevés de perte et de gaspillage d’aliments. À cette fin, il faut :

  • Améliorer les systèmes de stockage et la logistique des fruits et légumes destinés au marché frais, afin de les garder frais pendant de plus longues périodes.
  • Utiliser des options plus durables pour emballer les produits frais.
  • Traiter et/ou conserver les fruits et légumes pour maximiser leur utilisation et les rendre disponibles toute l’année.
  • Rendre disponibles les « fruits et légumes amochés » dans le commerce, en plus des fruits et légumes plus esthétiquement attrayants, offrant aux consommateurs la possibilité de les acheter.
  • Nous devons aussi éduquer les consommateurs pour qu’ils puissent changer d’état d’esprit et d’attitude par rapport aux fruits et légumes « amochés ».

 

Dans les pays en développement, il est nécessaire de renforcer les capacités des chaînes d’approvisionnement en produits frais pour gérer la qualité, améliorer les systèmes logistiques et l’emballage dans les chaînes d’approvisionnement en produits frais pour réduire les pertes. Les gouvernements ont également un rôle à jouer pour fournir un environnement propice à l’avancement de ces types d’actions.

Ne pensez-vous pas que le changement climatique a probablement un impact majeur sur l’accessibilité des fruits et des légumes ?

 

Oui, certainement. Le changement climatique a déjà des répercussions sur la production de fruits et de légumes, ce qui entraîne souvent une réduction des rendements et, dans certains cas, des pertes dues aux infestations de fruits et de légumes. Dans les pays tropicaux, l’augmentation des températures résultant du changement climatique aura un impact considérable sur la périssabilité des fruits et légumes, ce qui nécessitera une plus grande attention à la gestion de la température dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, ainsi que la nécessité d’un stockage frais. Toutes ces questions doivent être abordées de façon proactive. De nombreux pays en développement se dirigent déjà vers le développement de « pôles froids » durables, par exemple, qui utilisent l’énergie solaire pour le stockage frais de denrées périssables dans les zones rurales.

Oui, certainement. Le changement climatique aura un impact sur la production de fruits et de légumes (accessibilité de l’eau et ressources pour la production, par exemple). Mais il affectera probablement aussi leur périssabilité, en raison de l’humidité et des températures élevées, ce qui nécessitera d’accorder davantage d’attention à la gestion de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Nous devons surmonter tous ces obstacles. De nombreux pays en développement sont déjà en train de passer au système des « hubs ». Divers modèles et, bien sûr, la numérisation de la chaîne d’approvisionnement nous aident à gérer les interactions entre les différents acteurs et leur implication, et à réellement faire la différence.

Dans les régions tropicales, les fruits et les légumes se détériorent plus rapidement en raison des températures élevées tout au long de l’année. Une chaîne du froid durable aide à garantir que les produits frais ne se gâtent pas durant le transport de la zone rurale à la zone urbaine, avant même d’atteindre le consommateur. Des solutions innovantes et respectueuses de l’environnement, comme l’énergie solaire ou éolienne, peuvent jouer un rôle important dans les régions non raccordées au réseau électrique. N’oublions pas que les agriculteurs cultivent des fruits et des légumes pour gagner un revenu, qui sera moindre si le produit se gâte avant d’être vendu. Il s’agit là aussi d’un aspect crucial de la chaîne d’approvisionnement durable : tout le monde doit pouvoir en tirer une juste part et garantir l’efficacité de la chaîne pour éviter trop de pertes ou de gaspillage. Moins il y a de pertes et de gaspillage, mieux c’est pour tout le monde !

Pouvez-vous nous donner votre avis sur l’importance du caractère saisonnier des fruits et des légumes ?

 

La chaîne d’approvisionnement en fruits et légumes frais est largement tributaire de la demande des consommateurs. Les consommateurs réclament de plus en plus la disponibilité sur toute l’année, d’une vaste gamme de fruits et de légumes, ce qui a donné lieu à l’approvisionnement mondial de fruits et de légumes pour répondre à cette demande. De nouvelles méthodes et systèmes de production sont nécessaires pour garantir que les exigences de qualité du marché des fruits et légumes peuvent être satisfaites de manière durable. Les variétés de fruits et légumes présentant de bonnes caractéristiques d’expédition doivent être identifiées. Une attention particulière doit également être portée à la qualité des apports de production et en particulier à la qualité et à la variété des semences.

Plus la chaîne d’approvisionnement est courte, mieux c’est, car il n’est ainsi plus nécessaire de garantir la chaîne du froid sur de longues distances. Les fruits et les légumes ont un caractère très saisonnier : très rares sont ceux qui poussent tout au long de l’année. Dans certains pays où j’ai travaillé, les mangues pourrissaient par terre tout simplement parce qu’il y en avait trop au pic de la saison. Durant le reste de l’année, elles étaient soient très rares et très onéreuses, soit carrément indisponibles. Pour remédier à tous ces problèmes, nous devons donc trouver des technologies simples et innovantes, comme le séchage solaire, afin de préserver les aliments et d’allonger leur durée de conservation.

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Rosa Rolle

Dirk Schulz