Avec l’opération québécoise Gardiens de semences, semenciers, chefs et cultivateurs s’allient pour préserver la biodiversité.
Selon la FAO, 75% de la biodiversité mondiale a disparu en un siècle. En cause ? En partie notre modèle de production. Un modèle qui favorise la standardisation et l’uniformisation des semences. Pour sauver des variétés en voie de disparition, l’organisme québécois Arrivage (ex Chef514) a décidé de lancer une véritable opération de sauvetage.
1 semence, 1 chef, 1 cultivateur pour préserver notre biodiversité
Le principe est simple. Son catalogue de semences à préserver sous le bras, Arrivage contacte des chefs particulièrement sensibles aux produits locaux avec une proposition : parrainer la semence de leur choix. « C’est l’occasion pour les chefs d’avoir accès à des produits comme la betterave crapaudine, la tomate zébrée ou la carotte Dragon. Des produits qu’ils ne trouveraient pas chez les gros distributeurs. » souligne Thibault Renouf, fondateur d’Arrivage. Une fois la semence sélectionnée, Arrivage se charge de dénicher un agriculteur. Commence alors un véritable partenariat. « Les chefs acceptent le côté aléatoire de l’agriculture. Ils savent que les cultivateurs ne sont pas à l’abri des parasites, des variations météo ou encore des oiseaux ! ». C’est en effet ce que le chef Étienne Huot du restaurant La Récolte espace local a pu constater. Car Thierry Poniewiera de la Ferme Olac n’a rien pu faire face aux volatiles qui ont littéralement dévoré toute sa production de Gourgane Baie St Paul.
Redécouvrir des variétés patrimoniales
Mais globalement, ce sont des histoires à succès auxquelles assiste Thibault Renouf. Depuis le début de l’été, il est chaque fois présent lorsque le cultivateur livre sa récolte chez le chef. Ou quand le chef vient récolter lui-même ses produits, à l’image du chef Antonin Mousso. Parrain du melon d’Oka, le chef du restaurant Mousso a rejoint Manon Dolbec sur ses terres cet été. Au programme: ramasser ensemble le fruit miraculeux. Variété de melon créée au Québec en 1910, le melon d’Oka avait effectivement disparu de la Belle Province depuis les années 60. Redécouverte par hasard dans un catalogue de semences aux États-Unis, cette variété patrimoniale a été réintroduite au Québec en 2014 à très petite échelle. « Les chefs qui participent à Gardiens de semence sont engagés. Ils se font un véritable devoir de contribuer à sauver des produits en danger de disparition ou à faire découvrir des variétés oubliées ». Quant aux cultivateurs, ils apprécient particulièrement cette relation de proximité qui leur permet d’accéder directement aux chefs, sans intermédiaire.
Pour 2018, première année de l’opération, Gardiens de semences a réuni 14 chefs et 8 cultivateurs autour de 14 semences en danger. Pour 2019, l’objectif est de passer à 50 semences. Quand on voit l’intérêt pour les produits locaux qui ne cesse d’augmenter au Québec, combiné avec un attrait marqué pour la consommation durable, on peut penser que les consommateurs seront au rendez-vous.
Ressources
Opération Gardiens de semences
Credit photos: Arrivage