Orthorexie: contre la spirale du risque imaginé

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Pour traiter l’orthorexie, il s’agit de travailler l’intention dans le comportement alimentaire des personnes orthorexiques, ainsi que d’agir sur l’authenticité de l’acte alimentaire. La suite de notre entretien avec le diététicien Nicolas Sahuc.

Quelle est l’origine de l’orthorexie?

Pour comprendre l’origine de l’orthorexie, il faut s’intéresser davantage à l’intention des actions de la personne orthorexique, qu’à ses comportements. On peut parler de maladie, à partir du moment où l’orthorexie envahit la pensée et empêche l’individu de fonctionner «normalement», avec des retentissements sur la vie.

En consultation, on se rend compte que l’orthorexie fait son lit sur des discours alimentaires prônés par certains youtubeurs et coachs, des «ré-équilibreurs», soit des individus qui n’ont pas nécessairement une formation scientifique ou médicale.

Elle est aussi alimentée par des peurs alimentaires diverses: excès de sécurité alimentaire, industrialisation, manque d’authenticité, surabondance d’information et désinformation, problème de compréhension, images du corps via la publicité, manque d’écoute de certains professionnels de la santé, progression de la science (qui se remet en question régulièrement) et de la médecine (qui répare mieux le corps)…

Cette «crise du vrai et du faux» et de l’abstrait met l’individu face à de nombreuses incertitudes sur les risques encourus via l’assiette. Et le paradoxe, c’est que la réduction de ce risque accroît la peur du risque. En d’autres mots, l’orthorexique s’enfonce peu à peu dans une spirale du risque imaginé, dont il a du mal à s’extirper seul.

Comment traiter l’orthorexie?

Avant toute chose, il faut être précis dans le diagnostic. Il s’agit d’éviter un faux diagnostic et de conclure que tout mangeur obsédé par le sain, pour des raisons éthiques, philosophiques ou politiques, est pathologique… L’orthorexie partage de nombreux traits avec un trouble obsessionnel compulsif ou une anorexie, qui nécessitent tous deux un accompagnement médical spécifique.

Dans les faits, l’orthorexie peut concerner tout le monde: petit, grand, mince, gros. Elle peut apparaître aussi avant, pendant et après un trouble du comportement alimentaire.

Elle n’est pas si évidente à dépister, d’autant qu’elle peut se résoudre d’elle-même, souvent avec la «pression» de l’entourage proche de celui ou celle qui en souffre.

Si on analyse l’intention du comportement, on peut aussi découvrir que certains orthorexiques ne se sentent ni exclus, ni en souffrance. Au contraire, c’est un choix de mode de vie qui les rendrait plus heureux.

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La meilleure approche diététique consiste à ne pas discuter des convictions de l’orthorexique (trop complexes à décrypter), mais davantage à proposer une diététique explicative, basée sur une connaissance nutritionnelle, du fonctionnement du corps et non normative. Elle dit ce qu’il faut faire et norme le fonctionnement du corps.

Cette information de «base» a déjà pour effet de rassurer. Évidemment, il faut y associer des thérapies cognitives et comportementales pour travailler les obsessions, les convictions et l’altération de la qualité de vie. Tout dépend de l’évolution sur le plan psychiatrique des comorbidités. Dans la mesure du possible, une hospitalisation de jour dans un centre référence TCA (trouble du comportement alimentaire) avec un diagnostic différentiel permettra d’effectuer le meilleur suivi.

Bio expresse

nicolas-sahuc
  • Master 2 en Philosophie Pratique, mention Ethique médicale et hospitalière
  • Diététicien libéral au CHU Montpellier, maître en éthique médicale
  • Expert en anorexie & boulimie, obésité et sport
  • Ex-expert de l’émission «Tout une histoire» avec Sophie Davant
  • Ex-Chroniqueur «Mille & Une vies», avec Frédéric Lopez sur France2 Télévision

Pour assiter aux conférences de Nicolas Sahuc sur les troubles du comportement alimentaires, rendez-vous ici